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Thierry Debrand

Entretien avec
Thierry Debrand, Président de la Fapil

 

« Notre rôle, c’est d’être aux côtés de celles et ceux qui
vivent dans la précarité »

Les prochaines Rencontres nationales de la Fapil auront lieu à Avignon, les 22 et 23 juin. Qu’en attendez-vous ?

D’abord, le plaisir de retrouver l’ensemble de nos associations adhérentes et de nombreux partenaires. Dans notre Fédération, l’échange a toujours été au cœur de notre fonctionnement. Ce sera l’occasion de débattre ensemble des enjeux majeurs en matière d’insertion par le logement : produire davantage de logements, accompagner les personnes, garantir l’accès aux droits des plus fragiles… Il faut également adresser un message aux pouvoirs publics : arrêtons de tergiverser, il y a urgence à agir !

Justement, la Première Ministre a dévoilé les résultats du CNR Logement. Le logement d’insertion ne semble pas être en haut de la pile des propositions…

C’est le moins que l’on puisse dire. Mais, avant d’aller dans le détail des mesures qui nous intéressent directement, regardons les choses plus globalement. Le secteur du logement est en crise : plusieurs dizaines de milliers de personnes sont sans abri, plusieurs centaines de milliers trouvent refuge dans des centres d’urgence et d’hébergement, dans des hôtels… Dans le même temps, la production de logements réellement abordables s’effondre. Le Plan Logement d’Abord a certes permis de développer des solutions intermédiaires dans le parc privé et dans les pensions de famille, et les associations de la Fapil ont d’ailleurs pris toute leur part à cet effort. Mais, faute de logements sociaux disponibles pour loger durablement les personnes les plus fragiles, la collectivité est condamnée à bricoler et à multiplier les dispositifs d’urgence.

C’est-à-dire ?

On ne produit plus assez de logements sociaux : cela fait plusieurs années qu’on est en dessous des 100 000, avec un nombre de PLAi qui ne progresse pas vraiment non plus. De plus, la rotation dans le parc social est très faible. Par conséquent, de moins en moins de logements sociaux sont proposés pour une attribution, notamment au bénéfice des ménages que nos associations accompagnent. Les jeunes sont aussi les grandes victimes de cette situation qui s’aggrave. Les files d’attente s’allongent (près de 2,5 millions de demandes HLM) et dans le même temps les urgences s’accumulent. Face à cette crise, la collectivité publique ne reste pas inactive. Elle lance des plans qui sont censés faire face à ces urgences mais qui, au final, perpétuent un système que nous dénonçons depuis longtemps : on maintient les gens dans des dispositifs transitoires, temporaires et insécurisants. Malgré toute la bonne volonté des services de l’Etat et des collectivités, malgré toute l’énergie déployée par nos associations, nous sommes encore loin de garantir un réel Droit au logement pour tous.

« On maintient les gens dans des dispositifs transitoires, temporaires et insécurisants »

Dans ce contexte difficile, quel est le rôle de la Fapil et de ses associations adhérentes ?

Nos associations font un travail remarquable sur le terrain. Chaque jour elles aident des personnes en grande difficulté à recouvrer leurs droits, elles accompagnent des ménages afin de faciliter leur insertion, elles réhabilitent des logements et en construisent de nouveaux, elles créent des pensions de famille et elles proposent à des propriétaires bailleurs de gérer leur logement dans un cadre social. Elles font encore bien d’autres choses pour l’intérêt général.

Notre rôle, c’est d’être aux côtés de celles et ceux qui vivent dans la précarité. C’est de ne jamais renoncer à nos convictions et d’inventer de nouvelles formes de mobilisation.

Les associations de la Fapil interviennent souvent là où d’autres ne souhaitent pas s’investir et auprès des personnes qui resteraient exclues sans soutien de leur part. Mais, notre engagement doit absolument être relayé par une massification du logement abordable, dans le parc social comme privé : sans cela, le Logement d’Abord ne restera qu’un généreux slogan aux objectifs lointains.

Pour revenir au CNR Logement, quels enseignements en tirez-vous ?

Je suis inquiet. Nous nous sommes mobilisés dans ce CNR, la Fapil a été auditionnée pour faire des propositions. Nous nous sommes appuyés sur celles que nous avions portées dans le cadre des campagnes électorales de 2022, autour d’un slogan qui rappelait l’exigence d’agir plutôt que se perdre en discussions : « Tout le monde a droit à un logement, c’est aussi simple que ça ! ». Or, ce CNR n’aboutit qu’à très peu de mesures concrètes qui nous intéressent : pas de financements directs pour construire davantage de logements vraiment abordables, pas non plus de subventions pour la rénovation énergétique de notre parc, pas de mesures pour mieux solvabiliser les personnes les plus précaires, etc. Je constate que l’État est capable d’agir plus rapidement pour le logement intermédiaire et pour refinancer les promoteurs privés.

Et pourtant une mesure simple pourrait être prise : imposer que 25% des logements rachetés aux promoteurs par Action Logement et CDC Habitat soient des logements très sociaux, voire des pensions de familles. Les associations de la Fapil et le tissu associatif en général, auraient su se mobiliser pour acheter, pour gérer ces logements. C’est une proposition que nous mettons sur la table : il n’est peut-être pas trop tard !

“Imposons que 25% des logements rachetés aux promoteurs soient des logements très sociaux ! »

La Fapil a 35 ans. Des changements sont à venir.

Oui, nous allons accueillir une nouvelle Déléguée générale à la rentrée de septembre et la Fapil va donc forcément connaitre des évolutions. Aujourd’hui, notre réseau est bien structuré, il couvre tous les territoires et nos associations agissent en utilisant tous les dispositifs dont elles disposent et bien au-delà. Pour les soutenir, l’équipe fédérale a pris de nombreuses initiatives et je crois que notre Fédération est vraiment un lieu où les associations peuvent échanger, se former et inventer de nouvelles formes d’action.

Il faut désormais que nous pesions davantage sur les politiques publiques, que nous soyons davantage présents dans notre environnement institutionnel et inter-associatif. Au cours des travaux du CNR Logement, nous avons pu voir comment certains acteurs privés savent se faire entendre et obtenir des résultats. Notre secteur, au sens large, a beaucoup plus de difficulté à gagner des arbitrages. La Fapil devra, avec ses partenaires et notamment les Acteurs du Logement d’Insertion, être encore plus active pour transformer les politiques du logement.

Contact presse : quentin.laudereau@fapil.fr